Dans la Lettre du CADEB de février 2008, nous avons reproduit deux articles extraits du gratuit « 20 minutes » sous le titre « la Tangentielle Nord en conflit avec Arc Express ? »
Suite à cette parution, Monsieur Bernard Chaineaux, Directeur régional de RFF Ile-de-France, a souhaité nous apporter des informations complémentaires en répondant à nos questions. Nous l’en remercions vivement.
Q Monsieur Bernard Chaineaux, vous êtes Directeur Régional de RFF Ile-de-France (1). Nous vous remercions de répondre aux questions du CADEB. Peut-on tout d’abord faire le point sur la Tangentielle Nord ?
R La Tangentielle Nord a poursuivi son chemin. Elle est bien financée au contrat de projet entre l’Etat et la Région 2007 / 2013 puisqu’elle y figure pour une première tranche entre le Bourget et Epinay, à hauteur de 299 millions d’euros et les études des deux autres tronçons à l’Ouest entre Sartrouville et Epinay et à l’Est entre le Bourget et Noisy le Sec sont elles aussi inscrites dans le contrat du projet. Nous avons bien avancé. Après deux concertations préalables, l’Enquête Publique s’est passée dans d’excellentes conditions avec une adhésion quasi unanime des collectivités et peu de réactions de la part des riverains ou des populations traversées. Le dossier qui est présenté au Conseil d’Etat cette semaine devrait passer sans difficultés, et la déclaration d’Utilité Publique est annoncée pour la fin Mai au plus tard. Je n’ai donc pas d’inquiétude. L’avant projet est lancé et j’espère la mise en service en 2013 / 2014 sur la première tranche. Un projet ferroviaire est toujours long à réaliser mais tout va aussi vite que possible.
Q Y a-t-il un risque que seul le tronçon central soit réalisé et que les prolongements vers Sartrouville à l’ouest et Noisy le Sec à l’est ne voient jamais le jour ?
R Je crois qu’il faut regarder les choses avec lucidité. Ce projet sera déclaré d’Utilité Publique entre Sartrouville et Noisy le Sec, donc sur la totalité du tronçon, pour les 28 km qui ont été mis en enquête publique. Ce projet a un sens, sa réalisation en aura d’autant plus qu’elle sera complète. Bien sûr on peut imaginer des navettes entre Epinay et Le Bourget pendant un certain temps, le temps qu’on réalise les deux autres tronçons. C’est fonctionnel mais beaucoup moins efficace, beaucoup moins opérationnel. Par conséquent l’intérêt de ce projet c’est qu’il soit réalisé de bout en bout. Je ne peux pas vous dire que les financements sont inscrits au contrat de projet, puisque seul est inscrit au contrat la tranche Epinay/ Le Bourget en ce qui concerne la réalisation. Mais vous voyez, les études de la suite, des deux tronçons l’Est et l’Ouest, sont également inscrits au contrat de projet. Je n’ai pas pour le moment le sentiment que qui que ce soit au sein des partenaires financiers est en train de lever le pied ou de retenir son stylo et de refuser de continuer. Cela n’aurait pas été raisonnable d’inscrire près d’un milliard d’euros de financement au contrat de projet 2007 / 2013, en sachant très bien que l’on ne serait pas en mesure de tout réaliser dans cette période. Donc n’inscrire qu’une première tranche c’était cohérent et c’était le bon usage des deniers publics mais cela ne veut pas dire qu’il n’y aura pas une suite, au contraire.
Q Quelles sont les prochaines étapes après la déclaration d’utilité publique, pour le tronçon vers Sartrouville notamment ?
R Après la déclaration d’Utilité Publique, nous pouvons et nous devons poursuivre les acquisitions foncières. Celles-ci, à l’amiable, puisque nous n’avons pas encore de DUP, ont déjà commencé, quand des particuliers viennent nous proposer à l’avance des terrains qui sont inscrits dans nos emplacements réservés et cela sur la totalité du tracé, pas uniquement sur la partie centrale. Ces acquisitions foncières se poursuivront bien entendu lorsque la DUP aura été prononcée.
L’étape suivante, c’est le passage à l’avant projet. Pour le moment au niveau de la DUP, nous n’avions qu’un avant projet simplifié. Il faut passer un marché de maîtrise d’Å“uvre, lui confier la réalisation de l’avant projet sur la base duquel sera construit ensuite l’ouvrage.
Je vous ai dit qu’il y avait des financements inscrits au contrat de projet, donc la décision d’enclencher ces études dépend de la DUP, elle dépend aussi, je ne vous le cache pas, de la décision des partenaires financiers de RFF ( l’Etat , la Région , le STIF) de décider du moment où l’on va enclencher ces études sur les tronçons Est et Ouest, mais je n’ai pas d’inquiétude sur l’objectif partagé des différents partenaires d’engager la suite des études et de pas se contenter d’Epinay / Le Bourget..
Q Les départements traversés participent-ils financièrement au projet ?
R Les Départements n’ont pas la même attitude ou les mêmes moyens financiers. Le Département de la Seine Saint Denis est très intéressé par le tronçon central, le Val d’Oise également, mais il l’est surtout par le tronçon ouest comme les Yvelines…il nous appartiendra d’obtenir de ces collectivités les contributions qui permettront de boucler le financement de la deuxième phase et donc de convaincre les élus qui sont aux commandes.
Q Allez-vous communiquer sur le projet quand vous aurez obtenu la Déclaration d’Utilité Publique ?
R Nous avons bien l’intention au printemps, quand la DUP sera prononcée, de communiquer sur l’ensemble du tracé et dans l’Ile de France en général parce c’est un très bon projet pour l’ensemble de l’Ile de France, en tout cas pour le nord de l’Ile de France. Nous démontrerons à nouveau, à tout le monde y compris aux décideurs, l’intérêt de cette liaison de banlieue à banlieue qui recoupe la totalité des radiales qui vont ou viennent de Paris, depuis le RER A à Sartrouville à l’ouest jusqu’au RER A à Noisy le Grand à l’est, s’il est prolongé jusque là , puisque notre projet fera alors le demi tour complet autour de Paris. C’est vraiment une rocade de banlieue à banlieue dont il faut redire toute la pertinence pas simplement pour un déplacement tangentiel, par exemple de Sartrouville à Argenteuil, ou de Sartrouville au Bourget, mais pour offrir toutes les correspondances possibles avec les radiales. Cette rocade, avec des fréquences de circulation d’un train toutes les 5 minutes en heure de pointe se trouvera en correspondance avec des circulations radiales où circuleront parfois des trains toutes les 3 minutes, comme sur le RER B, ce sera véritablement comme un métro de moyenne couronne. Voilà ce que nous allons expliquer au moment de la DUP, en essayant de faire un peu la promotion de ce concept auquel nous croyons beaucoup. Nous le ferons simplement, en soulignant que l’on va satisfaire avec la Tangentielle des fonctionnalités que d’autres projets cherchent aussi à remplir, mais que le nôtre a dix ans d’avance.
Q Justement, le journal « 20 minutes « disait que vous « ressortiez » votre projet de tangentielle au moment où la RATP lançait Arc Express. Qu’en est-il exactement ?
R Je suis étonné que le journaliste ait cru pouvoir écrire qu’on ressortait un projet de tangentielle comme si on cherchait à faire concurrence « ah tiens ! Nous aussi on a notre petit projet de rocade, on a va le ressortir de nos cartons » alors qu’on est sur le point d’avoir une DUP. On a poursuivi le dossier de façon transparente, avec l’accord de tous les élus puisqu’il a été inscrit au contrat de projet, et nous avons tranquillement nos quelques longueurs d’avance, disons une dizaine d’années d’avance sur cet autre projet auquel vous faites référence. Je fais observer, que les Tangentielles étaient dans le projet de Schéma Directeur de la région Ile de France de 1994, que la notion de tangentielle Nord est d’ailleurs encore beaucoup plus ancienne. Ce projet, qui relève au passage de la compétence de RFF et de la SNCF, et pas simplement de la SNCF, préexistait largement avant le projet de rocade de la RATP. C’est vrai qu’ils sont un peu de même nature, puisqu’ils iront de banlieue à banlieue. Je voudrais quand même souligner une différence : notre projet recoupe toutes les lignes de RER, de la ligne A en passant par la B, la C, la D la E et la H, et il autorise par conséquent toutes les combinaisons possibles entre les radiales qui desservent la grande banlieue, la moyenne banlieue, la proche banlieue et il me semble donc très puissant, alors que le projet Arc Express met en correspondance essentiellement les lignes de métro et va ainsi assurer la désaturation de ces lignes. Je ne suis pas sûr qu’il soit aussi puissant pour assurer la correspondance avec les lignes de RER. Il en recoupe certaines mais pas toutes. Donc il n’assure pas exactement les mêmes fonctionnalités.
Et puis, il est nettement plus cher parce qu’il est tout en tunnel. On parle aujourd’hui à la RATP de 100 millions d’euros par km, ce qui fait, pour un projet de 60 km, 6 milliard d‘euros.
Avec 28km, c’est à dire la moitié, notre projet ne coûte que 1 milliard d’euros, à un stade d’étude beaucoup plus avancé et donc plus précis. Dans un contexte de rareté de l’argent public, cette différence est très sensible. S’il y a une concurrence entre ces deux projets, ce sera donc particulièrement au niveau des financements publics, puisque ces projets de transports en commun ne peuvent pas s’autofinancer.
Je termine en redisant que les financements de la première tranche de la Tangentielle sont au contrat de projet, ce qui est évidemment un gage très favorable pour sa réalisation effective et rapide.
Propos recueillis par le CADEB, le 25 Février 2008
(1) Réseau Ferré de France est un Etablissement Public Industriel et Commercial (EPIC) créé en 1997. Propriétaire et gestionnaire des infrastructures ferroviaires, RFF a pour objet l’aménagement, le développement, la cohérence et la mise en valeur du réseau ferré national. Site Internet : http://www.rff.fr/